Sans ambiguïté, nous affirmons qu’il est au contraire confirmé par cette initiative et reprécisé. La laïcité doit être avant tout une protection des croyances plurielles et non pas une expression sectaire et agressive. Serait-il souhaitable de chercher à effacer de l’éducation toute forme de transcendance ? Existe-t-il une éducation neutre ? L’école chrétienne est l’une des instances qui peuvent contribuer au débat éthique, particulièrement mobilisateur en cette période de contradictions inquiétantes. Ne convient-il pas à notre époque d’articuler normes, valeurs, convictions pour poser la signification de tout projet individuel et collectif ?

Notre pays se doit de privilégier les sources d’une laïcité garante du lien social, nourrie de tolérance, de liberté, d’engagement responsable. Le cadre légal auquel se réfèrent obligatoirement nos écoles et tout particulièrement l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme nous y invite, ainsi que l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950.

La citoyenneté responsable que souhaite développer le système éducatif français, procède assurément de l’humain, du respect de la personne, individuellement ou socialement considérée, nous ne pouvons que partager cette orientation. Or, les convictions chrétiennes excluent que l’humain ait sa consistance propre et puisse faire fi de la foi en Christ et de l’accueil de Sa grâce : la construction d’une trajectoire éducative spécifique s’appuie sur une certaine conception de l’homme, un regard aiguisé sur l’ordre, la cohérence de la dynamique socioculturelle et une priorité absolue accordée à la VIE.

Mais il ne s’agit pas de craindre pour autant l’endoctrinement ou la manipulation, précisément en raison du principe de laïcité valorisé, qui sous-entend la responsabilité pour chacun d’engager sa pensée et ses actes et invite l’éducateur à développer la capacité de réflexion, de jugement et de choix.

Un commentaire de René Voeltzel, professeur à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, tiré de la revue « Foi-Éducation » – juillet 1949. École « libre » :

« ...quand on pense à l’importance capitale attachée par la Réforme au XVIème siècle à ses écoles et ses Académies, on se sent quelque peu honteux de la capitulation sans condition du dernier quart du XIXème siècle. A la décharge de ce point de vue, on peut dire qu’il était difficile de supposer à l’époque que la laïcité deviendrait le laïcisme. L’école libre, dans notre conception, n’est, en aucune façon, dressée contre l’école laïque – tant que la laïcité reste correctement définie. (…) De même qu’une paroisse qui se contenterait de demander à ses membres de rendre simplement leur témoignage dans le monde, sans jamais un culte solennel ou une réunion d’études ou de prière, risquerait de se dessécher, de même, il s’impose que le protestantisme se réserve un lieu où l’école soit définie comme strictement chrétienne. Il serait aussi néfaste d’abandonner tous les jeunes protestants de France au témoignage hypothétique d’un professeur chrétien dans l’Ecole laïque, que de prétendre enfermer tous ces garçons et toutes ces filles dans des catacombes strictement closes. Il faut que les deux écoles existent : c’est ce que les catholiques appellent le pluralisme – qui s’oppose à l’unité et au monopole. Il paraît indispensable que subsistent, à titre exceptionnel, quelques écoles où les chrétiens protestants entendent prendre toutes leurs responsabilités. Il faut ce lieu d’asile, non pour les cancres et les schizophrènes, mais pour les enfants normaux. Je ne dis pas qu’ils seront l’élite, ni qu’il y a une supériorité de l’école confessionnelle sur l’école laïque, mais il faut que cette porte reste ouverte, que l’expérience soit constamment offerte…«