« N’y a-t-il pas autre chose à proposer à nos enfants ? »

Telle fut la question qu’un papa se posait, pensant à la scolarisation de ses enfants; cette interrogation déclencha tout un processus, dont personne ne soupçonnait l’envergure.
C’était en 1985. Renseignements pris, la création d’une école privée en France semblait relativement aisée : il fallait remplir des conditions pour la direction, de sécurité des locaux… Au lieu de subir un système éducatif qui allait si souvent à l’encontre de nos valeurs chrétiennes, pourquoi ne pas se mettre au travail, relever le défi de création d’une école privée, puisque la loi nous l’autorisait ? Pourquoi ne pas prendre nos responsabilités de parents, nos pleines responsabilités ? Un groupe de prière composé de quelques parents fut constitué dès 1985 auquel se rajoutèrent quelques enseignants de différents milieux évangéliques. Alors qu’il n’y avait ni locaux, ni argent, ni suffisamment de parents intéressés, l’essentiel y était : une vision.

Dans la détermination d’arriver au but, une association fut créée. Et l’aventure commença : il a fallu payer d’abord le prix de lâcher toutes les sécurités matérielles pour le couple qui s’engagea, de renoncer à une situation confortable, de prendre des risques… Au dernier moment, la mairie de Sausheim, dans la banlieue de Mulhouse, accepta de nous louer des locaux d’école désaffectée ; au dernier moment, des enseignants de tous bords, chrétiens convaincus, s’engagèrent. En septembre 1986, après maintes péripéties et maints exaucements de prière, le Collège Daniel vit le jour : 12 enseignants (dont 11 bénévoles provenant du public et acceptant de donner des heures en plus), encadrèrent…13 élèves répartis en deux classes : une sixième et une cinquième.

Financièrement, c’était une folie, étant donné qu’une telle école ne pouvait recevoir aucune subvention, étant hors-contrat. Les scolarités étaient loin de couvrir les frais… Cette situation de précarité, de dépendance en un Dieu qui, décidément, « pourvoyait à tous nos besoins », fut pour toute l’équipe une formation à l’école de la foi !

L’équipe des débuts, à Sausheim

« Un seul suffit ! »

Quelques semaines après, nous recevions la visite d’un inspecteur qui, étonné par l’engagement volontaire de tant d’enseignants, s’exclama: « vous êtes bénis de tous les dieux ! » La réponse fut: « un seul suffit ! ».

Suivirent des années de croissance avec l’ouverture de la 4ème, puis de la 3ème en 1988. En 1989, ce fut l’ouverture d’une classe de élémentaire, avec trois niveaux : CE2, CM1, CM2. Les classes de Maternelle, CP et CE1 suivirent en 1990. Chaque phase d’extension a nécessité de grands pas de foi de la part d’enseignants qui ont dû, pour la plupart, quitter la sécurité de l’emploi et accepter un salaire divisé par trois… Tout cela pour répondre à ce cri du coeur d’une génération, si bien décrit par le prophète Jérémie :  » Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles bouillonnent, ma bile se répand sur la terre, à cause du désastre de la fille de mon peuple, des enfants et des nourrissons en défaillance dans les rues de la ville. Ils disaient à leurs mères : où y a-t-il du blé et du vin ? Et ils tombaient comme des blessés dans les rues de la ville, ils rendaient l’âme sur le sein de leurs mères. » (Lamentations de Jérémie 2 :10 -11)

Une école dans laquelle les enseignants transmettraient non seulement un savoir, mais leur propre vie, leur espérance, leur foi, la vie de Jésus lui-même, ce « Pain de Vie » sans lequel la vie perd son sens, son goût, sa finalité et sa dynamique. C’est donc par la foi que le nombre d’élèves passa de 12 la première année à 45 la seconde puis à 65, 75, 105, 130, jusqu’à plus de 170. Une église de la région accepta d’héberger nos classes élémentaires, les locaux à Sausheim ne suffisant plus. Cette extension s’accompagna de la venue de nouveaux « ouvriers », se poursuivit par le déménagement sur Guebwiller, ne pouvant plus bénéficier des locaux à Sausheim : en 1992, l’association ROC, gestionnaire du Collège Daniel, se lança dans l’achat du « Château » qui appartenait à la « Ligue pour la Lecture de la Bible ». C’est à cette même date que démarrèrent les cours de trois mois « Mathurin Cordier » pour donner aux enseignants un fondement biblique, une perspective chrétienne à leur vocation. Très vite, cette formation accueillit des professeurs de toute la francophonie et contribua à la multiplication des ouvriers.

La vision de l’éducation chrétienne continuait à se répandre, des ouvrages furent écrits, l’histoire de la Réforme fut redécouverte, et chacun y trouva inspiration, force, sens : nous ne faisions décidément pas quelque chose de nouveau, mais nous nous inscrivions dans toute une histoire de l’éducation en France qui ne séparait pas la foi du savoir. Actuellement, il y a plus de quinze écoles protestantes évangéliques en France, d’autres en Suisse et Belgique ; malgré les grandes difficultés matérielles, le défi de former une génération différemment continue d’être relevé. Le Collège Daniel continue de « faire des petits », en inspirant d’autres initiatives, en proposant des formations, en investissant dans le champ missionnaire. L’aventure ne fait probablement que commencer.